Kitchen Cinéma, Hollywood vs Youtube

Dans le cadre de la 16ème édition du festival Côté court en Seine-Saint-Denis, les Laboratoires d’Aubervilliers présentent une programmation de films utilisant principalement la vidéo numérique, non pas seulement dans un but de maniabilité et de souplesse d’utilisation (dans une logique expérimentale), mais comme le moyen le plus approprié pour se confronter à certains standards de la narration cinématographique au sein d’un univers quotidien immédiat, voire domestique. Ces films d’appartement, tournés avec une grande ambition mais des moyens limités et dont l’ingéniosité et l’énergie remplacent souvent la débauche technique, financière, logistique et humaine des tournages traditionnels, renouent paradoxalement avec un certain esprit des pionniers du cinéma. Une économie pragmatique et responsable, relativement en phase avec ces nouveaux moyens de diffusion (projections vidéo, DVD, Internet, etc.). Souvent issues du champ des arts plastiques, ces formes reposent sur une croyance en l’efficacité d’une grammaire cinématographique plus ou moins classique appliquée à l’image vidéo, avec une extraordinaire liberté, souvent beaucoup d’humour, et toujours avec une précision technique bannissant toute désinvolture. Cette programmation aborde le sujet avec des expériences volontairement disparates. Tandis que Guy Ben-Ner refait tout Moby Dick ou L’Enfant sauvage dans sa cuisine avec son fils, le collectif Dein Klub réalise depuis cinq ans leur adaptation génialement bricolée du Waterworld de Kevin Costner et, Yoon Sung-A filme une tendre romance sur fond identitaire entre son appartement, et celui de son voisin de palier. Chris Moukarbel, quant à lui, tire de son adaptation du World Trade Center d’Oliver Stone réalisé dans son studio d’étudiant (un projet mal vu par la Paramount elle- même), un film quasi-abstrait. En contrepoint à ces films récents, L’Ambassade, un film de 1973 de Chris Marker, représente un modèle admirable d’économie narrative, apportant un souffle politique à des images relativement banales. Guillaume Désanges