Focus cinéma libanais

Côté court met le cinéma libanais à l’honneur. Dans un contexte extrêmement difficile pour le Liban sur les plans économique, politique et culturel, nous avons donné la parole à ceux qui en parlent le mieux : les cinéastes Joana Hadjithomas (J) et Khalil Joreige (K), amis de longue date du festival.

Il y a une nécessité à se battre pour pouvoir faire exister des espaces de partage.

J & K

J : Après la guerre civile libanaise (1975/90), on a eu le sentiment que le conflit et les divisions demeuraient. Peu de choses se sont construites de façon solide sur des bases réelles de réconciliation. Puis tout s’est effondré en 2019 : le système bancaire s’est grippé, le système politique a révélé la corruption endémique, l’hôpital, l’éducation, l’électricité, plus rien ne fonctionne. On subit la plus importante crise économique de tous les temps. Les libanais protestent et manifestent dans la rue...
K : ... jusqu’à la terrible explosion du 4 août 2020. Sans doute la plus grosse explosion non-nucléaire. Celle d’un entrepôt sur le port de Beyrouth où était stockée, sous nos pieds, une matière illicite hautement inflammable et qui va détruire un tiers de la ville.
J : En un quart de seconde, tout le monde est profondément affecté, des centaines de morts, des milliers de blessés.
K : Une détresse qui provoque un exode massif. Un exil de beaucoup de jeunes et de forces vives. D’autres refusent de partir parce qu’ils n’ont pas le choix ou parce qu’il y a quelque chose qui les attache viscéralement. Pour survivre, il est nécessaire d’inventer d’autres façons d’être et d’autres modes de production.
J : Comme partout, il y a un refus du système patriarcal, d’un système politique complètement corrompu. Donc même si aujourd’hui on se sent otage, il y a quand même des choses qui se créent. Des liens, des conversations.

K : On est acculé, du fait de cette situation, de ces nécessités à se battre pour pouvoir faire exister des espaces de partage. De faire exister ces territoires. Chez nous, ce n’est pas une utopie. Dans le sens où l’on n’a pas d’autre choix que de la vivre.
J : Le cinéma se retrouve aussi au cœur de ces interrogations. Dans cette situation, on manque de tout, c’est difficile pour tourner, monter, montrer un film. Comment fait-on un film dans un pays qui est effondré ? Quel genre de film fait-on ?
Quel sujet peut-on aborder ? Il y a un désir violent de dire, de produire, de réaliser des choses et de montrer la réalité que l’on vit.

K : Vous recevez Charbel Haber pour un ciné-concert. C’est un musicien qui nous inspire et dont la musique s’adapte parfaitement à nos images. Je ne sais pas par quelle magie. Comme disait Bresson : « c’est une rencontre ». Et l’expérience d’un ciné-concert c’est quelque chose qui est de cet ordre-là parce qu’il y a une part qui est improvisée même si elle est travaillée.
J : Charbel Haber et Fadi Tabbal, en duo ou en solo, composent des musiques de films, leur propre musique et prennent part à des concerts. La scène musicale libanaise est très riche et ils en sont des représentants importants. Cette fusion et ces tensions entre les images que nous produisons et la musique de Charbel et Fadi sont tout à fait passionnantes. Je crois que ça va être un beau moment, très intense et très poétique.

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